20 mai 2018

Comprendre la cause de l’effondrement régulier de l’Amérique

 

Il est parfois frustrant, mais aussi intéressant, d’assister à la progression de la conscience des médias dominants sur la crise économique aux États-Unis au cours des années. En tant qu’économiste alternatif, j’ai eu le « privilège » de sortir du récit financier classique et d’observer notre économie à partir d’une position moins biaisée, et j’ai découvert quelques petites choses.

Premièrement, les médias économiques dominants accusent environ deux à trois ans de retard sur les économistes alternatifs moyens. Au moins, ils ne semblent pas reconnaître la réalité de notre calendrier. Cela peut être délibéré (mes soupçons) parce que le grand public n’est pas censé connaître la vérité avant qu’il ne soit trop tard pour réagir de façon pratique pour résoudre le problème. Par exemple, c’est une expérience assez étrange pour moi de voir le terme « stagflation » devenir soudainement un mot à la mode dans les MSM. Il était presque partout la semaine dernière après la dernière réunion de la Réserve fédérale pendant laquelle la banque centrale a mentionné des pressions inflationnistes plus élevées et a supprimé des références dans sa déclaration mensuelle à une « économie en croissance ».

Pour ceux qui ne connaissent pas la stagflation, c’est essentiellement la perte de croissance économique dans de nombreux secteurs couplée à une hausse marquée des coûts de consommation et de fabrication. En d’autres termes, les prix continuent d’augmenter mais pas la croissance de l’emploi, des salaires, de la production, etc.

J’ai mis en garde contre une crise stagflationniste en tant que résultat ultime du « bailout » des banques centrales et des QE pendant de nombreuses années. En 2011, j’ai publié un article intitulé « L’accord sur la dette : est-ce que cela trompe quelqu’un ? » dans lequel j’ai prédit que la Fed aurait recours à un troisième cycle d’assouplissement quantitatif (elle l’a fait). Cette prédiction était basée sur le fait que les deux précédents événements de type QE n’avaient pas abouti au résultat que les banquiers centraux recherchaient manifestement. À l’époque, le marché boursier restait encore un désastre douteux à la veille d’un nouvel effondrement, la notation de la dette américaine était sur le point d’être dégradée par S&P, la véritable croissance de l’emploi était lamentable, etc. La Fed avait besoin de quelque chose de spectaculaire pour maintenir le système, au moins jusqu’à ce qu’ils soient prêts à déclencher la prochaine étape de l’effondrement.

Dans ce même article, j’ai également discuté du résultat final inévitable de ce stimulus bonanza : la stagflation.

Le QE3 a été une arnaque dramatique, avec aussi l’Opération Twist. La Fed a obtenu exactement ce qu’elle voulait − un rebond boursier sans précédent des actions et une stabilité temporaire sur les marchés obligataires. Comme les actions ont bondi de plus en plus malgré toutes les données fondamentales négatives, les médias dominants ont simplement régurgité le récit idiot selon lequel un « rétablissement économique » était sur nous. Mais maintenant les choses changent et aucune illusion ne dure éternellement.

La deuxième observation que j’ai faite est que les élites des banques centrales et leurs acolytes ont tendance à donner des avertissements sur les grands changements économiques, mais seulement environ un an avant qu’ils se produisent. Ils le font pour différentes raisons. Premièrement, parce que ce sont eux qui ont conçu ces événements de crise et qu’il n’est pas très difficile de prédire une catastrophe que vous avez créée. Deuxièmement, parce que cela les fait paraître prophétiques alors qu’ils ne le sont pas, tout en donnant au public le moins de temps possible pour se préparer. Et trois, parce que cela leur donne un déni plausible quand la crise se produit réellement, parce qu’ils peuvent prétendre qu’ils « ont essayé de nous avertir », même s’il était malheureusement trop tard.

La Banque des règlements internationaux a mis en garde contre le crash des dérivés et du crédit en 2007, environ un an avant la catastrophe. En 2017, l’ancien président de la Fed, Alan Greenspan, a mis en garde contre une inévitable « stagflation inédite depuis les années 1970 ». Dans des commentaires ultérieurs, lui et d’autres ont attribué cette crise potentielle aux politiques de Donald Trump.

Il est important de noter que la stagflation est entièrement la faute des banquiers centraux et non de la présidence, bien que la Maison Blanche ait en effet aidé la Fed dans ses efforts indépendamment de qui siège au bureau ovale.

Il y a des années, il y avait une bataille plutôt stérile entre les analystes financiers sur ce que serait le résultat final des mesures massives de relance de la Fed. Une partie a fait valoir que la déflation serait le résultat et qu’aucun montant d’argent que la Fed pourrait imprimer ne dépasserait le vaste trou noir de la dette provoqué par l’implosion des produits dérivés. L’autre partie a fait valoir que la Fed continuerait à imprimer perpétuellement, en recourant à un QE4 ou éventuellement à un « QE infini » et des taux d’intérêt négatifs comme un moyen d’éviter un krach boursier pendant des décennies (comme au Japon) tout en initiant en même temps un moment inflationniste de style Weimar.

Les deux parties ont eu tort parce qu’elles ont refusé de reconnaître la troisième option − la stagflation.

La Fed a clairement trouvé un moyen d’orienter les pressions inflationnistes vers certaines parties de l’économie tout en permettant aux pressions déflationnistes de peser sur les autres secteurs de l’économie. Ils ne respectent PAS non plus leur stratégie précédente de maintenir les taux d’intérêt à la baisse, tout en stimulant les marchés en parlant d’un nouveau QE.

Les défenseurs déflationnistes avaient l’habitude de soutenir de manière sarcastique que si les gens croyaient vraiment que l’inflation serait la conséquence des activités de la Fed, ils devraient se lancer dans le marché du logement parce qu’ils feraient une affaire avec les hausses de prix. Eh bien, c’est exactement ce qui est arrivé. Les prix des maisons ont continué à grimper en dépit de tous les fondamentaux, y compris les statistiques lamentables autour des acheteurs de maison qui ont atteint un plus bas absolu en 2016 et ont à peine remonté depuis.

J’utilise les prix des maisons comme un exemple de stagflation parce que le marché du logement représente entre 15 et 18% du PIB total aux États-Unis. Les produits comme les aliments et le carburant ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’IPC. Les signes de stagflation dans le logement sont un indicateur certain de la stagflation dans le reste de l’économie.

La façon dont le prix des logements est calculé dans l’IPC et le PIB est certes un peu étrange. Le logement n’est pas inclus dans ces statistiques en termes d’achats de maisons chaque année. En fait, les achats et les améliorations domiciliaires sont traités par le « Bureau of Labor Statistics » comme un « investissement » et non comme un achat par le consommateur, ce qui signifie qu’ils ne sont pas considérés comme une mesure de l’inflation. Cependant, la valeur des maisons en termes de « coût de location et de variation des coûts » est prise en compte dans l’IPC.

Comme nous le savons tous, les prix des loyers à travers le pays ont monté en flèche au cours des dernières années avec les prix des maisons, tandis que le nombre d’acheteurs a diminué et que la génération du millénaire reste à la maison avec maman et papa plutôt que de payer mensuellement pour des maisons et des appartements. C’est-à-dire que dans un environnement économique normal, moins d’acheteurs devraient entraîner une baisse des prix, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. La question est : comment la Réserve fédérale et le QE ont-ils contribué à cet exemple de stagflation ?

Premièrement, le soutien artificiel de la Fed à Fannie Mae et Freddie Mac après la débâcle des dérivés a permis de continuer à soutenir le marché de l’immobilier alors que les mauvaises créances auraient dû sortir du système et que les prix des maisons auraient dû baisser.

Deuxièmement, le refinancement de Fannie Mae par la Fed a profité directement à des sociétés comme Blackstone, qui est devenue un partenaire de Fannie Mae et l’un des plus gros acheteurs de maisons du pays. Blackstone n’a pas acheté des dizaines de milliers de maisons pour la revente, mais pour les convertir en location. Les vastes achats de maisons familiales de Blackstone ont artificiellement stimulé la valeur des maisons à travers le pays et donné la fausse impression d’une reprise du logement qui n’existe pas vraiment.

Troisièmement, une découverte très intéressante ; alors que la banque centrale sous Jerome Powell est devenue de plus en plus agressive dans ses réductions de bilan, un mouvement qui a directement contribué au récent déclin des marchés boursiers, il y a une classe d’actifs que la Fed a AJOUTÉE à son bilan, des titres adossés à des créances hypothécaires (MBS). Ces achats ont tendance à avoir lieu directement après que les MBS plus anciens ont été autorisés à se refinancer, ce qui signifie que la Fed maintient un nombre relativement stable de MBS laissant tomber d’autres actifs.

Les MBS représentent environ 40% du total du bilan de la Fed, et le soutien continu de la Fed au marché des MBS aide à expliquer pourquoi les prix des maisons refusent de chuter malgré des fondamentaux négatifs. Il est également intéressant pour moi que la Fed ait choisi de se débarrasser de certains actifs qui semblent provoquer une réaction à la baisse sur les marchés boursiers et d’autres secteurs tout en gardant des actifs qui maintiennent les prix élevés du logement. C’est presque comme si la Fed voulait la stagflation …

Enfin, alors que les hausses de taux d’intérêt de la Fed n’ont traditionnellement pas de lien direct avec les taux hypothécaires, il existe une corrélation indirecte. Les craintes inflationnistes créent parfois ironiquement de l’inflation, et comme le Fed augmente les taux d’intérêt, les taux hypothécaires ont tendance à suivre. En 2018, les taux hypothécaires ont grimpé, progressant de 48 points de base depuis le début de l’année.

Cela contribue à la hausse des prix des maisons ainsi que des valeurs locatives perçues selon l’IPC.

La source de presque toutes les instabilités au sein de notre économie peut être retracée directement jusqu’à la Réserve fédérale et les sociétés « trop grosses pour faire faillite » qu’elles ont renflouées après le krach du crédit en 2008. Le développement « stagflationniste » actuel n’est pas différent. La stagflation se traduira finalement par des hausses de prix extrêmes sur les biens et services nécessaires au grand public, bien au-delà de ce que nous avons déjà vu, alors que la capacité du public à suivre ces prix va faiblir.

Le fait que cette question frappe FINALEMENT l’attention les médias dominants devrait être inquiétant pour tout le monde. Car quand un développement de crise est discuté dans ces médias, cela signifie que nous sommes sur le point de voir cette crise atteindre sa phase critique. En juin, la Fed relèvera ses taux d’intérêt malgré des fondamentaux défaillants. La Fed continuera à citer des pressions inflationnistes, et la Fed continuera à réduire son bilan. Il n’y a plus de place pour l’illusion là-dessus. La Fed ne s’arrêtera pas sur son chemin actuel. Dans l’intervalle, les banques centrales continueront à blâmer les forces extérieures telles que les guerres commerciales et les politiques de stagflation de l’ère Trump tout en ignorant les milliards de dollars qu’elles ont utilisés pour empoisonner notre système financier.

Toutes les bulles s’effondrent, mais toutes les bulles ne s’affaissent pas exactement de la même manière. Je crois que la Fed a créé une tempête parfaite de facteurs déflationnistes et inflationnistes combinés ; une bombe économique pour surpasser toutes les bombes économiques.

Brandon Smith

Liens

Retrouvez l’excellente analyse de François Roddier sur la stagflation.

Traduit par Hervé, relu par Cat pour le Saker Francophone

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